L’étude de Renate Heckendorf et Abdellah Salih faisant toujours référence, malgré qu’elle date de 1999, pour débuter, quoi de mieux que de présenter une partie de leur introduction.
“Au Maroc, l’art rupestre fut pendant longtemps négligé par la recherche archéologique. Ce fait est dû principalement à la conjoncture historique qui ne favorisa point l’organisation de la discipline et de son développement. En dépit de l’ancienneté des travaux dans ce sens, amorcés dès la fin du XIXe siècle, la recherche relative à l’art pariétal fut principalement l’oeuvre d’amateurs d’origine étrangère. En comparaison de ce qui fut réalisé dans d’autres domaines ou d’autres régions du Maghreb, les maigres résultats de ces interventions ponctuelles furent exposés dans un petit nombre de publications éparses. La méconnaissance dont faisait l’objet l’art rupestre au Maroc concernait principalement les peintures. En raison de leur “rareté” et de leur “faible valeur” du point de vue artistique, ces dernières furent considérées comme insignifiantes.... De part la faible importance qui leur fut accordée, les stations peintes du Maroc ne figurent ni sur l’ancienne carte de distribution des peintures de l’Afrique du nord établie par R. Perret en 1937 (Journal des Africanistes, T.7), ni dans la compilation de l’art rupestre saharien publié par A. Muzzolini en 1995 (Les images rupestres du Sahara, chez l’auteur). D’une part, en l’absence de prospections systématiques, l’inventaire toujours réduit s’explique par l’état actuel des recherches. D’autre part, vu la longévité très variable des pigments utilisés dans le domaine de la peinture préhistorique, et l’impact des conditions climatiques ambiantes sur la conservation, en plus des effets néfastes de l’action de l’homme, un nombre indéterminable d’oeuvres peintes est susceptible d’avoir disparu sans laisser aucune trace. Aussi, en raison des causes multiples qui peuvent engendrer l’altération des pigments, la couleur actuelle des dessins ne correspond pas nécessairement à la teinte originale.
Jusqu’alors, les découvertes fortuites de peintures au Maroc ne suscitèrent pas suffisamment d’intérêt, pour aboutir à un programme de recherches accompagné de mesures de sauvegarde. Ce manque d’attrait est dû au fait qu’elles n’évoquent en rien la richesse des grottes ornées franco-cantabriques, ni les belles fresques du Sahara central. Toutefois, l’appréciation de la “valeur artistique” des dessins est caduc, puisque les “œuvres d’art... sont intrinsèquement incommensurables” (E. Gombrich 1983).
... L’intérêt porté aux œuvres picturales considérées comme médiocres n’était pas de nature à encourager l’approfondissement des enquêtes archéologiques. Il s’en fallut de la découverte de cinq abris peints dans le jebel Bani et d’autres dans la Seguiet el Hamra pour qu’on se rende à l’évidence qu’au Maroc, les stations de peintures rupestres représentent une matière d’investigation dont le potentiel est resté inexploré...”
Rappelons que ce texte a été écrit avant la découverte “officielle” des sites à peintures rupestres de la province de Tan-Tan qui apportent une connaissance sur les hommes qui ont vécu il y a 5000 ans au Nord du Sahara atlantique.
Nous avons adopté l’ordre de présentation nord-sud des sites à peintures rupestres présentées à l’origine dans l'étude de Renate Heckendorf et Abdellah Salih.
L’art rupestre du Maroc a toujours été identifié aux gravures. Les peintures y étaient considérées rares. Celles qui ont été signalées au Nord du pays par Souville en 1973, au centre par de Wailly en 1973 et 1975, ou au Sud par Simoneau en 1969, on été qualifiées d’une "valeur artistique médiocre".
Loin de mois de prétendre accomplir un travail de synthèse générale sur l’art pré et protohistorique du Maroc. C’est seulement une tentative dont le but initiale est d’exposer la situation actuelle des recherches sur cette composante du patrimoine archéologique marocain. L’historique et le nombre de publications relatives à l’étude des gravures rupestres montrent le caractère ponctuel d’une grande partie de ces travaux et recherches.
Ceux qui se sont avérés méthodiques n’ont souvent pas eu de suite. Des facteurs comme l’immensité géographique de ces aires et leur diversité, en raison de leur répartition spatiale sur des régions bioclimatiques variées, ainsi que la qualité et la quantité de la documentation publiée n’ont permis jusqu’à ce jour aucun inventaire exhaustif ni une analyse approfondie de cet art. Seuls et d’une manière superficielle, les aspects descriptifs ou symboliques ont été retenus.
L’étude de l’emplacement topographique des sites et leur répartition géographique a montré que les deux composantes de l’art pré et protohistorique marocain, à savoir les gravures et les peintures rupestres, présentent une certaine complémentarité dans leur distribution spatiale. Le rapport entre cet art et son contexte archéologique, notamment la présence des tumulus préislamiques dans l’environnement immédiat des stations reste à établir. Les thèmes, ils sont dominés, dans le domaine des gravures, par la faune en général, sauvage ou domestique selon les aires.
En revanche, et en dehors des provinces sahariennes, dans le domaine des peintures, ce sont les motifs abstraits qui dominent et qui sont disposés, pour la plupart, selon un ordre non établi. Il s’agit surtout de pointillés et de lignes qui apparaissent dans la majorité des stations, ainsi que de formes géométriques. En dépit de leur mauvais état de conservation, quelques sujets abstraits furent identifiables.
Dans le domaine des motifs figuratifs, et abstraction faite des empreintes de mains, il semble que les dessins zoomorphes soient plus répandus que les anthropomorphes. Pour ce qui est des couleurs des dessins, les teintes rouges ou oranges sont plus abondamment présentes que les teintes blanches ou grises. En outre, les inscriptions en caractères de type libyque sont relativement bien représentées. Avant de pouvoir les dater, il serait nécessaire de procéder à une étude comparative des textes et à compléter les corpus existants.
L’état des recherches actuelles sur l’art pré et protohistorique au Maroc exige d’entreprendre un travail qui consiste, d’abord, à établir un cadre théorique mettant en rapport cet art avec son milieu naturel et son contexte culturel. La conception de ce cadre nécessiterait évidemment le concours des autres disciplines et l’apport des données de nature extra-archéologique. La grande répartition géographique des aires rupestres du Maroc et l’ancienneté des travaux disponibles et leur caractère sporadique n’ont pas encore permis de cerner d’une manière globale les problématiques liées à cet art au Maroc, en dépit d’une reprise des recherches, encore à ses débuts, dans la frange méridionale de l’Anti-Atlas et dans le Moyen Atlas.
Reste à résoudre notamment la question de ses relations avec les monuments funéraires préislamiques, son cadre chronologique, les liens probables des aires rupestres atlasiques et rifaines avec le monde méditerranéen, l’apparition, le développement et la diffusion de la métallurgie et les rapports éventuels des aires rupestres présahariennes et sahariennes marocaines avec le Sahara central.
Abdellah Salih