La fossilisation des traces de dinosaures
Les empreintes de pas sont aussi des traces que l’on pourrait croire fugaces et peu propres à se fossiliser. En fait, il n’en est rien, comme le montrent les nombreux sites, au Maroc et ailleurs, où des pistes de dinosaures ont été relevées à la surface de couches rocheuses. Pour qu’une telle piste puisse se conserver, il faut que le dinosaure ait marché sur un sol mou, d’une consistance propre à recevoir ses empreintes et à les conserver jusqu’à ce que le sédiment durcisse en séchant. Il faut ensuite que la surface durcie porteuse d’empreintes ait été recouverte par une nouvelle couche de sédiment qui a “moulé” naturellement les cavités correspondant aux traces de pas. Une fois les sédiments transformés en roches, il faut encore que l’érosion (ou l’action de l’homme) soit entrée en jeu pour ramener au jour la surface marquée d’empreintes, ou de contre-empreintes en relief. Tout cela paraît exiger de rares concours de circonstances, mais les milliers d’empreintes de pas de dinosaures découvertes dans le monde montrent que, le temps aidant, de telles circonstances peuvent s’être réunies bien des fois.
Les empreintes de pas fossiles peuvent induire les scientifiques en erreur
Exemple : un dinosaure quadrupède franchit une vasière; ses pieds arrière sont suffisamment pesants pour traverser la couche supérieure de boue et parvenir à la formation plus ferme située dessous. Ses pieds avant ne laissent qu’une trace en surface. Peu de temps après que les empreintes ont été laissées et que l’animal est parti, la vasière est inondée par la crue d’une rivière. Les courants balaient la couche superficielle qui est molle, emportant et faisant disparaître les empreintes peu profondes des pattes avant du dinosaure. Cependant, l’eau n’atteint pas le niveau inférieur, plus ferme, où les empreintes profondes resteront préservées. Après la décrue, la couche de boue supérieure agitée par les courants se redépose en un endroit différent, tandis que d’autres quantités de boue transportées par l’eau viennent recouvrir toute la zone et remplir l’empreinte laissée par le pied arrière du dinosaure. Puis d’autres crues déposeront des niveaux successifs de boue. Enfin, toutes les couches seront tassées et, avec le temps se consolideront en roche sédimentaire.
200 millions d’années plus tard, la roche sédimentaire vient à affleurer. Si celle-ci se casse le long du banc concerné, les empreintes apparaissent. La couche supérieure est souvent mieux conservée que la couche inférieure, et les empreintes des pieds arrière apparaissent en trois dimensions. On peut avoir l’impression qu’un grand bipède est passé par là...
Cet ensemble de processus qui affectent un dépôt sédimentaire et le transforment progressivement en roche sédimentaire solide s’appelle la “diagenèse”. Ainsi travaillent sans cesse les forces naturelles à la surface de la terre : dépôt, fossilisation, sédimentation, compaction, diagenèse, érosion sont les forces qui se combinent pour agir, transformer, remodeler le visage de la terre que l’on appelle la “géodynamique externe”.
Eric Buffetaut, Dougal Dixon et John Malam.